Carnet de Bord - Massif Central Décembre 2004


19-12-2004 8h56

Nous voilà dans le train depuis même pas dix minutes. Ouf, on l’a eu de justesse. Entre la malchance sur les RERs et la machine qui met trois minutes à cracher mon billet, on aurait eu l’air con bloqués à Paris. On est dans le compartiment à vélos, nos sacs de 17 kg environ sont dans un coin. On va crever sous le poids, mais on est motivé. Tiens le compartiment vient de se libérer on va pouvoir s’installer confortablement. Dehors il ne pleut même pas, espérons que ce sera la même chose à Clermont. Avec nos trois couches d’habits on crève de chaud, mais mieux vaut avoir trop chaud que trop froid, semble-t-il.

19-12-2004 10h37

Nous sommes toujours dans le compartiment vélo. Armand dors par terre, appuyé sur son sac en écoutant de la musique tandis que Mathias dors appuyé sur moi. Nous avons fait des repérages sur la carte mais nous ne pouvons prévoir réellement à l’avance ce qu’on va réussir à faire. Je pense qu’aujourd’hui, avec nos gros sacs, on va avoir du mal à progresser. Une lecture du manuel de survie s’est imposée, histoire de s’occuper et d’apprendre des trucs de ouf qu’on ne fera jamais (genre fabriquer un four de psycho sous la terre avec des pierres et des bûches en équilibre). Premier arrêt du train, Armand se réveille.

19-12-2004 11h15

On vient de fonder le Ukulélé Compartiment-à-vélo Club. Le public grandit de minutes en minutes. Il ne manque plus qu’Armand sorte sa flûte et que je me mette à chanter pour que nous fassions un spectacle de haut niveau musical devant une foule en délire.
Vu l’état de délabrement déjà avancé de ce carnet, je pense que son état final sera digne des archives de la BNF.

19-12-2004 12h10

Nous sommes en gare de Vichy. On commence à être impatient d’arriver alors on fait n’importe quoi pour s’occuper. Parfois, je me dis qu’on est vraiment des abrutis (surtout Mathias et Armand qui s’amusent comme des fous avec un avion en ticket de métro. Pathétique). Bon plus que vingt minutes et nous serrons à Clermont. Après, direction le Bourboule. Let’s have fun !

19-12-2004 13h34

Nous sommes dans le deuxième train. Nous venons de passer Volvic. Dehors, la pluie est présente par intermittences. Pas de neige à l’horizon, nous espérons toutefois que le haut des monts sera enneigé car sinon cela risque d’être de la pluie. Dans trente minutes nous arriverons au Bourboule. De là, il va falloir se dépêcher de trouver un endroit où se poser. Nous projetons de parcourir environ 6 km.

19-12-2004 17h11

Nous voilà installés à notre premier campement. Peu après avoir récupéré de l’eau potable dans un hameau nous avons dû nous arrêter pour pouvoir tout préparer avant la tombée de la nuit. Aujourd’hui nous avons marché 1h30 environ, et nous avons dû parcourir 6 km. Les 18 kg se sont fait sentir dans le sac, accentué par la côte nous permettant de passer de 865 m à 1150 m. D’après la carte nous sommes dans le bois de la Reine. Mathias et moi en profitons pour tenir notre journal de bord tandis qu’Armand finit de ranger les affaires.
La pluie nous a bien accueilli et nos affaires sont donc détrempées. Mais notre quantité de couches nous permet d’être sec à l’intérieur et c’est l’essentiel. Il va également falloir sécher la carte.
La musique vient d’être mise en marche, une bonne soirée en perspective avec surtout du repos (bien mérité !).

19-12-2004 18h20

A la lueur du feu j’écris ces quelques mots, un peu à l’aveugle. La deuxième conserve de raviolis est en cours de chauffage. Il fait très chaud au bord du feu, mais c’est bien nécessaire pour sécher nos habits. Nos visages sont en feu et depuis tout à l’heure je pleure à grosses gouttes à cause de la fumée. Nous prévoyons de nous coucher bientôt, nous sommes crevés…

19-12-2004 un peu plus tard

Mon portable refuse de s’allumer (sûrement l’humidité), donc je ne peux pas déterminer l’heure. Nous venons de finir de manger nos raviolis, le dessert a été du chocolat. Maintenant place au repos. Je viens de me faire la première blessure du séjour : une égratignure au pouce gauche à cause de la scie qui traînait, pics vers le haut. J’écris affreusement mal, mais les conditions sont rudes et j’ai les doigts gelés… Je retourne donc au feu.

20-12-2004 9h13

Après une grosse nuit, nous nous sommes réveillés vers 8h15. La nuit s’est bien passée, à part un peu froid aux pieds. La tente n’était pas parfaitement tendue, on a donc un peu prit l’eau, mais rien de gênant cependant. Au réveil, tout était recouvert de neige, même nos sacs entreposés sous la tendue au dessus du feu. Il a fallu rapidement se motiver pour refaire du feu, qu’on a d’ailleurs eu du mal à faire partir. Mes doigts sont gelés parce que Armand m’a volé mes gants, ce salop. Tout à l’heure nous nous remettrons en marche pour monter encore un peu. La journée prévoit d’être ensoleillée, pas un nuage à l’horizon. La montagne d’en face est déjà bien éclairée, on attend notre tour.
Si je continue, je vais perdre des doigts…

20-12-2004 11h00

Le camp est entièrement démonté. On a un peu galéré pour tout plier à cause de la glace et de la neige, omniprésente. Toujours pas de nuages à l’horizon. Nous prévoyons 2h de marche, nous aurons ensuite pleinement le temps pour nous faire un camp parfait, ce qui nous permettra d’y rester 2 nuits.
Mon stylo refusait de fonctionner, bref. Nos sacs risquent d’être plus lourds puisqu’on va porter la neige et la glace collée aux bâches et à la tente.
Nous rendons maintenant le lieu aux biches (que nous venons de croiser) et nous partons vers de nouveaux horizons.

20-12-2004 12h04

Une petite pause après une heure de marche dans la neige, histoire de se restaurer. Un peu d’eau, du chocolat, un kiwi… On pense laisser les sacs ici et aller voir rapidement dans la forêt si on trouve un coin sympa pour s’installer, pour ensuite s’y rendre directement.

20-12-2004 12h56

On a finalement repris la route pour monter encore. Après un passage difficile à travers la forêt sauvage et à fort dénivelé. Armand s’engouffre un kiwi pendant que Mathias profite de la couverture réseau. Il doit bien y avoir 20 cm de neige. Il nous reste encore un bout de chemin à parcourir, il va falloir repartir.

20-12-2004 13h54

Nous sommes arrivés il y a vingt-cinq ou trente minutes en haut du puy de Chambourguet (1373 m). La forêt viens de se terminer, nous sommes sur un sommet chauve baigné par le soleil. On ne devrait pas tarder à déjeuner car on commence à être affamés. On tente de se repérer sur la carte pour savoir comment retourner au Mont-Dore en temps voulu. Peut-être que le trajet devra se faire en deux jours puisqu’on est pas vraiment là où on voulait être.

20-12-2004 15h42

Nous avons passé l’après-midi à couper des arbres pour se préparer un abri digne d’un château fort. Nous avons trainé des sapins entiers dans la neige, nous sommes épuisés. Armand tente de faire un feu à l’emplacement de la tente, mais comme il le dit si bien « ça passe direct en cendre sans faire de feu ». Il fait relativement froid mais le soleil est toujours de la partie. Après un échec cuisant en terme de cuisine (impossible de faire bouillir de la neige avec le butagaz en plus d’une heure), nous avons du nous rabattre sur le fromage et le saucisson. Vivement qu’il y ait un feu j’ai les pieds trempés et gelés.

20-12-2004 18h28

Nous avons enfin réussi à faire cuire (à moitié) le riz, nous l’avons d’ailleurs mangé. Nous avons confectionné un abri de psychopathes : nous sommes entourés de branches de sapin, et la tente, doublée d’une bâche en haut et d’un tapis de sol en dessous, est encastrée dans ce cocon de la mort qui tue. Nous avons déplacé le feu qui est maintenant à l’entrée de la tente. Il fait froid, et il risque de faire très froid cette nuit. Nous avons eu le droit à un magnifique coucher de soleil, et la station de ski de la montagne d’en face brille tel un petit village dans la nuit. Pendant que j’écris ces mots, Mathias et Armand ont installé une couverture de survie dans l’alignement de la tente et du feu afin de faire écran.

21-12-2004 9h44

Solstice d’hiver.
Cette nuit fut rude. Le froid nous réveilla maintes fois. Plus la nuit avançait et plus il faisait froid. Sur les parois de la tente, du givre se formait, à l’extérieur, le vent soufflait. Outre pour nos doigts de pied, le froid était largement supportable. Nous nous sommes réveillés vers 8h45, et il fallu vite se motiver. Les chaussures restées sous le haut-vent étaient totalement rigidifiées, et lorsqu’il fallut les mettre cela fit très mal. Nous sommes maintenant autour du feu en train de faire décongeler nos pieds et nos chaussures, après avoir amassé du bois.

21-12-2004 13h24

Nous avons pris beaucoup de temps pour démonter le camp. En fait nous avons tout d’abord mangé des pâtes puis il a fallu tout ranger et laver. Nous ne sommes parti qu’à 12h30 environ. Nous savions quelle direction prendre mais nous avions peur de galérer à travers la foret. Heureusement une piste existe, ce qui nous a permit d’avancer à bonne allure. Le passage de la dameuse ce matin nous a facilité encore plus la tâche. Nous sommes quasiment arrivés au col, et nous prenons une pause. Il ne nous reste plus d’eau liquide, que de la glace. L’eau des ruisseaux est verdâtre, nous nous refusons donc de la boire. Une fois au cap nous ferons un feu pour faire fondre de la neige propre et la boire.

21-12-2004 13h55

Arrivée au col de Bozat (1450 m). Petit posage kiwi, photo & carte. Décidément, je n’ai jamais autant aimé un kiwi de ma vie.

21-12-2004 15h48

Nous avons marché environ 2h au total. La descente du col a été animée par de vertigineuses chutes sur d’énormes plaques de verglas. Les hématomes sur le corps d’Armand en témoigneront. Nous sommes arrivés à proximité d’une base de loisir (1155 m) dans laquelle un restaurant nous a permit de faire le plein d’eau. Nous sommes ensuite remontés un peu pour établir notre camp, ce qui est en train d’être fait par Armand et Mathias. D’après le mec du restaurant, la gare n’est qu’à quarante minutes de marche environ. Nous n’aurons donc pas trop de marche demain. Il nous reste plein de bouffe, ce soir ce sera le festin.

21-12-2004 17h22

L’abri est installé. On a fabriqué un réflecteur en sapin. Le feu est magnifique, on a mit toute la bouffe ensemble et on se prépare à manger comme des rois. Il y avait déjà plein d’arbres coupés dans la forêt alors on a pu se faire une somptueuse réserve de bois pour peut-être le faire tenir toute la nuit. Malgré notre altitude plus basse il fait toujours un peu froid. Il neigeotte mais nous sommes protégés par les arbres.

21-12-2004 21h00

Ohlala ! Grande veillée ce soir puisque nous sommes encore debout à 21h. Le feu magistral nous réchauffe violemment depuis tout a l’heure. Nous avons fait un stock de bois et nous pourrons tenir encore longtemps. Nous avons une fois de plus raté misérablement la cuisson de notre repas. Nous avons fini le chocolat, ça commence à nous manquer. Nous discutons tranquillement autour du feu et nous irons sûrement bientôt nous coucher.

22-12-2004 8h29

Nous nous sommes réveillés à 8h, après une nuit plus courte que d’habitude, mais c’est pas plus mal. Pas de fraîcheur excessive cette nuit, je crois que tout le monde a bien dormi.
Au réveil, quel plaisir d’avoir des chaussures sèches et non gelées. On a déjà rallumé le feu et on profite de nos derniers instants hors de la civilisation.

22-12-2004 12h04

Nous sommes dans la salle d’attente de la gare du Mont-Dore. Nous avons commencé à nous motiver vers 9h40 et nous avons fini de démonter le camp vers 10h25. Nous avons ensuite entrepris la descente vers le Mont-Dore. Cette fois, peu de neige mais des cailloux, du dénivelé et de la glace. Une fois arrivés en ville, nous nous sommes rués sur la première boulangerie pour manger enfin « quelque chose de normal et bon ». Nous sommes ensuite allés jusqu’à la gare et nous avons acheté nos billets : départ à 14h31.

22-12-2004 14h31

Le train viens de partir. Armand vient de nous faire une petite frayeur en disparaissant juste avant le départ du train. Il pensant qu’il partait à 14h38. Heureusement on l’a eu tout juste.

22-12-2004 16h30

Nous voilà maintenant sans Mathias, dans le dernier train qui nous ramène à Paris. Une fois de plus dans le compartiment à vélo, nous prenons nos aises. Le retour à la maison est attendu, histoire de prendre une bonne douche et de redécouvrir les joies du lit et la couette.

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