Carnet de bord - Massif Central Janvier 2007



03/01/07 7h06 - Périphérie de Paris
A bord du Corail Téoz n° 5971, fonçant droit vers le Sud, nous reprenons lentement nos esprits après notre habituel contre-la-montre pour ne pas rater le train.
Alors que le Soleil ne s'est toujours pas décidé à pointer le bout de son nez, nous, vaillants arpenteurs des cîmes enneigées, profitons de nos derniers instants éveillés pour mettre à jour nos fiches sur la vie de chacun lors de ces trois derniers mois.
Bien décidé à n'utiliser que des phrases à rallonges, c'est tout naturellement que j'arrive à la fin de la première page sans n'avoir encore rien dit ni fait.
Maintenant que le contrôleur vient de passer, nous pouvons nous endormir sans crainte jusqu'à Clermont-Ferrand.


03/01/07 12h14 - La Bourboule - 7°C
Tandis que Mathias est à la supérette pour satisfaire nos derniers besoins avant de s'enfoncer dans la rude nature, je prend le temps d'écrire ces quelques lignes en surveillant nos affaires.
Bien reposés après avoir dormis presque deux heures dans le train, et bien réveillés après presque une heure de car, nous nous appretons à partir en direction de la cabane confectionnée lors d'une précédente expédition en septembre, à environ trois heures de marche.
Nous ne savons pas dans quel état nous risquons de retrouver cette dernière, et espérons qu'elle n'aura pas été détruite.
Il fait beau sur La Bourboule, et nous apercevons de la neige sur les montages environnantes.
Nous chargerons nos six litres d'eau chacun sur notre dos, et nous partirons après un bref déjeuner.


03/01/07 14h38 - 5,5 km après La Bourboule - 6°C
Une dizaine de centimètres de neige recouvre le sol alors que nous faisons une pause, après deux heures de marche, au pied de l'ascension finale.
Une fois partis de La Bourboule, nous sommes arrivés à Vendeix bas après une heure de marche sur route. Nous y avons remplis bidons et bouteilles, entrainant un surplus de poids de 6,5 kg. Alors que Mathias tente pitoyablement de planter un couteau dans un tronc, le Soleil illumine la valée et la neige nous renvoie gracieusement cette douce lumière.
Allez hop, c'est parti, il ne faut pas trop se refroidir.


03/01/07 17h46 - Montagne de Bozat - 5°C (intérieur)
Nous sommes dans la tente, posée à l'intérieur de la fameuse cabane que nous n'avons pas encore baptisée. Nous nous restaurons et profitons de la chaleur qui s'accumule peu à peu, grâce à notre présence, mais aussi grâce à l'astucieux poële que nous venons d'installer et d'allumer.
Le poële, fabriqué à partir d'un bidon d'huile, est relié à l'extérieur par un tube flexible en aluminium.
Son efficacité reste à prouver, mais en tout cas, avec le double système tente + cabane, nous sommes à l'abri des intempéries et du vent.
Mais revenons à la dure route qui nous a menés ici. Après la dernière pause, nous avons entamé la rude ascension, avec un bidon de cinq litres chacun entre les mains. Face à la violence de la pente et à notre surcharge généralisée, nous avond dû, à mi-chemin, prendre la décision de cacher les bidons dans un fourré pour pouvoir continuer la route sans y rester. Nous irons les chercher demain, à vide.
Notre arrivée au sommet chauve de la montagne nous a permis de contempler une magnifique vue et un splendide paysage, parsemé d'une vingtaine de centimètres de neige.
Nous avons retrouvé la cabane dans l'état dans lequel elle avait été laissée par Mathias et les autres après sa construction. Nous avons amassé du bois et nous y sommes installés.
La suite, vous la connaissez.


04/01/07 13h37 - A proximité de la cabane - 4°C
Pluie et brouillard. Telles sont les conditions météorologiques qui nous ont accueillis à notre (tardif) réveil ce matin, aux alentours de 10h30.
Il faut dire qu'en entendant l'eau ruisseler autour de nous, nous étions bien tentés par le fait de prolonger le temps passé dans nos sacs de couchage.
Après un bref petit-déjeuner, nous sommes partis à la recherche des bonbonnes d'eau abandonnées sur la route hier. Le trajet, revigorant mais fatiguant, a dû nous prendre environ une heure et demi.
Depuis, nous tentons, en vain, d'allumer un feu. Mais les bûches mouillées accompagnées d'une fonte des neiges parsemant de la pluie à tout bout de champ, ne nous facilitent pas la tâche. Et sans feu, pas de repas chaud !
Nous aurions clairement préféré un temps plus froid, nous évitant la fonte et la pluie, et donc une humidité glaçante.
Bon, il est temps de retourner s'occuper du feu...


04/01/07 16h05 - Dans la cabane - 7°C (intérieur)
A la chaleur du poële, nous tentons de sêcher nos habits. En effet, nous venons de cavaler dans la neige pour récupérer des planches de bois dans les ruines voisines, afin de fabriquer une magnifique porte.
Ceci nous permettra de profiter au maximum de la chaleur du poële, que nous avons réussi à faire fonctionner après avoir abandonné l'idée d'allumer un feu. Le problème du poële résidait dans le fait que la sortie d'air, trop étroite, ne permettait pas un tirage suffisament puissant pour la bonne survie des flammes.
Nous avons pu y faire bouillir de l'eau, et ainsi nous préparer un plat de semoule bien mérité.
Nous allons maintenant travailler à l'étanchéité du toit, mise à mal par la fonte de la neige le recouvrant.


04/01/07 18h41 - Intérieur de la cabane, à proximité du poële - 10°C (intérieur)
Le poële fonctionne à merveille ! (il marche au poil, comme dit si subtilement Mathias)
Nous faisons sêcher nos habits en profitant de cette agréable température à proximité du poële, en écoutant un peu de musique.
Nous avons fait un petit stock de bois, et avons bâché certaines parois de la cabane pour éviter les courants d'air. Maintenant, on peut vraiment dire que c'est du grand luxe.
Nous espérons que le beau temps sera au rendez-vous, demain, pour pouvoir grimper sur une des montagnes environnantes.


05/01/07 10h32 - Dans la cabane
Ô Rage, Ô Désespoir !
Ô Brouillard ennemi !
En avons nous tant chié,
Que pour cette infamie ?
Et oui, le brouillard et la pluie sont toujours de la partie, nous obligeant à prendre une grave décision.
Si on doit rester là juste pour en chier sans pouvoir profiter du lieu, autant partir ! Nous sommes donc en train de tout ranger, en prenant soin de laisser sur place, pour une éventuelle autre expé, des vivres et des allume-feux, ainsi que le magnifique poële.
Tout s'annonçait pour le mieux pourtant, hier, alors que nous préparions un gros plat de semoule sur le poële pour nous rassasier avant d'aller dormir. La nuit fût plutôt bonne, même si nous affaires n'ont pas vraiment réussi à sécher dans la moiteur de la tente, due à la buée qui se forme sur les parois de la tente.
Le réveil était aussi bon avec un petit-déjeuner des grand jours avec pain et chocolat aux noix de pécan. Mais décidément le temps est contre nous, et c'est avec un peu d'amertume que nous nous préparons à partir.


05/01/07 17h51 - Compartiment à vélo du train 5986 à destination de Paris
Voilà, nous sommes bientôt à la fin de ce voyage. Après une descente jusqu'à La Bourboule sans encombre, durant laquelle nous avons toutefois pu constater une importante fonte des neiges (plus de 10 cm !), nous avons déjeuné à la gare. S'en est suivi un petit trajet en car puis un trajet plus que lent dans un train d'un autre âge, ayant en plus des soucis techniques. Nous avons pu tout juste attraper notre correspondance pour Paris.
Ce retour en train, c'est aussi l'occasion du bilan, et de la conclusion de ce carnet, de ces pages qui résument une page de notre vie.
Le but de ce voyage était multiple : tester la cabane, y expérimenter le poële, mais aussi et surtout grimper au sommet des montagnes qui nous nargaient il y a deux ans, sans avoir à porter jusqu'au sommet l'intégralité de nos affaires.
Au final, nous avons bien eu le temps de tester la cabane et le poële, et de penser à d'éventuelles futures améliorations. Nous avons également eu notre dose de neige, même si la fonte n'y a pas contribué.
Mais il est clair qu'il nous a manqué du beau temps (ou au moins une journée sans brouillard) pour pouvoir escalader ces sommets, et contempler de là-haut la beauté du paysage en se sentant l'espace d'un instant les rois du monde.
Tant pis, ce n'est que partie remise, les occasions ne manquerons pas, je l'espère, pour grimper sur des sommets enneigés.
Dans notre quête de paysages magnifiques et d'expériences inédites, le premier but n'a été qu'effleuré, mais le second pleinement atteint. C'est donc la tête remplie de souvenirs et d'espoirs que je termine ce carnet et que s'achève notre voyage.

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